Ma vie de marin de commerce

Publié le par momo2644

Marijuana

M/S Ville de Rouen. Le Cap, port de chargement

Au Cap, un soir où j'étais de garde pour un chargement de nuit, j'avais remarqué que le chef des dockers avait des yeux étranges, tous rouges, semblant sortir de leurs orbites.

Mis à part les dockers qui s'agitaient sur le pont pour assurer le chargement, il n'y avait que cet homme et moi qui semblaient ne rien faire. Lui, pointant uniquement les palanquées qui disparaissaient dans les cales, moi, devant assurer l'éclairage de l'ensemble au moyen de puissants projecteurs dispersés ça et là.

La discussion s'engagea entre nous deux, et je compris très vite le pourquoi de son aspect physique.

Mon compagnon d'un soir, pour arrondir ses fins de mois, était ce que l'on appellerait maintenant un dealer. Il avait un pantalon de golf très bouffant, retenu en bas par des élastiques, bourré de paquets de cigarettes mélangées à de la marijuana. Il les vendait à qui voulait bien, et ne semblait pas inquiété par la douane ou autre autorité présente sur et autour du bateau. De plus, il en fumait une après l'autre, ce qui expliquait son allure. Passant ensemble une partie de la nuit à discuter de choses et d'autres (il parlait très bien le français), il m'offrit en toute amitié, avant que l’on ne se quitte, un paquet de son stock sans manquer de m'expliquer le moyen de bénéficier au mieux de chaque bouffée de cette drogue.

-"Au lieu de rejeter la fumée, tu la récupères dans tes mains mises en entonnoir, et tu aspires à nouveau, l'effet est ainsi doublé".

Fort de ses renseignements, ma garde terminée, je m'enfermais dans ma cabine, et allumant une première cigarette, je tirais dessus avec envie, en espérant voir apparaître des éléphants roses ou des femmes nues, à moins que ce ne soit le contraire.

Mais rien de cela jusqu'à la dernière bouffée, aucune vision ne m'apparut. Je pensais en moi-même :

-"Heureusement que c'était un cadeau, sinon je me serais fait avoir".

Je rangeais le paquet dans un coin, et je n'y songeais plus de tout le voyage, mais le récit ne s'arrête pas là.

Pendant mes congés, j'avais toujours sur moi ce paquet de marijuana, il était dans un étui en cuir.

Un jour, dans un bar dont le patron était un ami, je parlais de ce paquet et de sa provenance. Le barman m'écoutait, l'air moqueur.

-"Tu parles, si cela ne t'a rien fait, c'était de la merde, moi non plus je n'aurais rien ressenti".

            Il devait avoir raison, mais je me rappelais trop la tête du dealer au Cap qui ne fumait que cela. Je lui en offris une avant de partir, il me promit de la fumer. Le soir même, je reçois un coup de fil, c'est le patron du bar qui me passe un savon:

-"Avec tes conneries Maurice, mon barman n'a pas tenu le coup, il a fumé ton clope assis, il n'a jamais pu se relever".

Maudite drogue, le paquet termina son histoire à Paris, dans le quartier des étudiants où je le vendis, cigarette par cigarette, dix francs pièce.

Malgré moi, six mois plus tard, ce récit eut une suite.

Publié dans Aventures vécues

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