Ma vie de marin de commerce

Publié le par momo2644

L'accident

L'électrocution sur le Sivella
        Formé à l'ancienne, je dois la vie sauve à mes anciens professeurs de collège qui, de tout mon temps d'apprentissage, me forçaient à respecter les consignes de
sécurité les plus élémentaires.
        Maître-électricien sur le M/S Sivella, je devais resserrer des jeux de barres sur
le tableau électrique principal.

La machine fabrique tout le courant nécessaire au bon fonctionnement du navire, un tableau de bord électrique distribue ces tensions à l'aide de jeux de barres de cuivre, sur lesquels sont raccordés les câbles reliant les différents points du bateau à électrifier.

Ces barres sont en double, comme tous les appareils vitaux du navire, et lorsqu'elles ne sont pas employées, elles doivent être obligatoirement reliées à la masse, par sécurité. Juste au-dessus se tenaient les barres en activité, à une vingtaine de centimètres. Distance réglementaire pour travailler mais, formé aux risques d'électrocution, j'avais heureusement pris toutes les précautions de sécurité que demandait un tel travail.
        Tabouret isolant, gants isolants, casquette à visière amovible, qui se rabattait sur
les yeux au moindre mouvement de la tête, volontaire ou non. Tout y était, une clef plate de treize en main, le travail pouvait commencer.
            Et, serrant mes barres que les vibrations du navire avaient quelque peu fait
prendre du jeu, il fallait que tout soit en état pour une prochaine remise en fonction.
            Sur un des écrous, un point dur m'obligea à forcer un peu plus sur ma clef, je
serrais de la sorte quelques tours; soudain, le point dur céda sans prévenir, et toujours forçant sur mon outil, je ne pus arrêter ma main qui monta plus haut que prévu, et la clef, touchant les barres sous tension, créa un court-circuit énorme, me propulsa en arrière, et stoppa net toute la machine.
            Je me rappelle que ma clef traversée en quelques dixièmes de secondes par un
courant de mille cinq cents ampères fondit comme un morceau de sucre dans du café brûlant merci les gants de protection. L'arc électrique ainsi formé m'aurait brûlé les yeux, merci la casquette. La décharge de tension de trois cent quatre-vingt volts m'aurait foudroyé, merci le tabouret isolant.
            Je dus quand même rester un moment dans les pommes. Quand on voulut enfin
s'occuper de moi, le chef mécanicien m'avoua:
            -"Quand j'ai vu que vous remuiez après l'accident, je me suis dit que vous n'étiez pas mort, alors j'ai donné l'ordre de relancer le navire, avant de vous secourir".
                Après tant d'années, je ne lui en veux toujours pas, car il avait raison, si j'ai pu entendre ces paroles réconfortantes, c'est qu'effectivement, je n'étais pas mort. A l'infirmerie, on me fit avaler presque de force tellement c'était mauvais, un grand verre d'eau tiède salée pour, aux dires du lieutenant/toubib, chasser de mon corps les toxines de la peur, j'aimerais que quelqu'un m'explique!

Le lendemain de cette catastrophe, je descendais à la machine comme si rien ne s'était passé.

Publié dans Aventures vécues

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